Emmaillotés de rouge, bronzés et BG, les sauveteurs surveillent nos plages de sable fin pour notre sécurité. Avant la fin de l’été, à Biarritz, j’ai rencontré Patrick, 16 ans de plage à son actif et chef de poste sur la plage de la Côte des Basques.
1.Les sauveteurs ont 4 diplômes
Jouer des gros bras ne suffit pas. Clairement pas. Il faut d’abord passer son Brevet National de Sécurité et de Sauvetage Aquatique (BNSSA), qui se compose d’une épreuve théorique et pratique (parcours de sauvetage de 100 m puis sur 250m + une épreuve d’assistance en personne en difficulté). Les candidats doivent également passer leur diplôme de secouriste (PSE1) et d’équipier secouriste (PSE2), pour apprendre par exemple le brancardage (l’usage de brancards, donc), gérer les urgences vitales ou des atteintes circonstancielles (hypothermies, piqures, morsures…). Et aujourd’hui, il faut également suivre la formation de Surveillance et de Sauvetage Aquatique (SSA) qui renforce les compétences des Nageurs sauveteurs et leur permet de se spécialiser et /ou d’approfondir leurs connaissances.Bref, comptez environ un an, le temps de passer tous les diplômes, sans oublier les tests spécifiques à chaque commune pour le recrutement et la semaine de formation.
2. Les sauveteurs se recyclent
Un peu comme le plastique, mais en mieux ! Le recyclage consiste en l’obligation de repasser les épreuves tests, afin de s’assurer que le sauveteur soit toujours en bonne forme au moment d’exercer sa mission.
Par exemple, pour Biarritz : effectuer en 400 mètres nage libre avec palmes (en moins de 5’15), puis, l’épreuve du Roland (200 mètres avec 12,5 mètres crawl/12,5 en apnée en moins de 3 minutes) puis l’épreuve du mannequin (25 m à fond + ramener le mannequin au fond de l’eau) sans oublier une épreuve en mer : natation + rescue board (la grosse planche sur laquelle ils évoluent). A sec, il faudra également réaliser un test de Luc léger (ou « Navette ») où il s’agit de courir de repères en repères, espacés de 20 mètres, en augmentant la vitesse progressivement pour atteindre les paliers les plus élevés. Bref, pas de tout repos, surtout qu’ils ont 20 séances de natation à faire pendant l’hiver et que les épreuves sont éliminatoires ! Donc, rien n’est acquis. Chaque année, on remet sa forme en question.
3. Les sauveteurs privilégient l’esprit d’équipe
Etre bardé de diplômes et taper 3’50 sur le 400 nage libre ne suffira pas si le/la candidat(e)e n’a pas l’esprit d’équipe. En deux mots, s’il/elle n’est pas fait(e) pour la vie en collectivité : ranger ses affaires, arriver à l’heure pour éviter que le collègue sauveteur ne prenne son temps de pause en retard, faire preuve d’initiative pour que ça ne soit pas toujours les mêmes qui fassent de la prévention (par exemple, se lever du mirador et ramener les baigneurs dans la zone autorisée), y compris quand il pleut ! Bref, il faut donner, donner, donner.
4. Les sauveteurs gardent la forme chaque jour
Pour être sauveteur, il faut savoir nager et courir, bref, avoir un bon cardio et de l’endurance. Plus ou moins surfeurs, les sauveteurs s’entretiennent avant ou après leurs heures de service (entre 7 et 7H30 en moyenne dans la journée) ou pendant leurs 2 jours de repos hebdomadaires, sauf pour le chef de poste qui n’en n’a qu’un seul ! « Par exemple, si l’un prend son service à 14h, il se lève le matin pour aller courir ou nager, voire ramer en rescue board jusqu’au phare et revenir. L’idée est d’être prêt chaque jour, à chaque instant, à intervenir », confie Patrick.
5. Les sauveteurs délimitent soigneusement la zone de baignade
La zone de baignade entre les drapeaux bleus n’est pas positionnée au hasard. Elle varie en fonction des vagues (plus elles sont grosses, plus la zone est petite), du courant mais aussi en fonction du banc de sable, afin de permettre aux baigneurs d’avoir pied pendant que la marée monte et descend. Le banc de sable se forme chaque année, change parfois au fil de la saison, donc, ils adaptent !
6. Ce qui les énerve (souvent) le plus : les surfeurs
Le surf est en pleine expansion. C’est la liberté de danser et glisser sur une vague. « Le surf, c’est la source, ça vous change une vie », disait Bodhi. On comprend. Sauf que bien souvent, la vague se situe sur le banc de sable, donc dans la zone de baignade surveillée. « Ce sont souvent des débutants, précise Patrick, qui ne maîtrisent ni leur planche, ni leur rame, ni les courants. Ils sont donc un danger pour eux-mêmes, mais aussi pour les baigneurs. Il faut donc leur dire toutes les 10 minutes de se mettre à l’écart des drapeaux. Cela utilise un sauveteur (qui pendant ce temps, ne regarde pas les autres baigneurs) et l’on embête toute la plage en mettant des coups de corne quand ils sont trop loin pour nous entendre. »
7. Les sauveteurs ont des anecdotes de fou
En 16 ans de plage, Patrick en a entendu des vertes et des pas mûres ! Morceau choisi : « Il y a quelques années, il y avait des conditions de folie, vagues énormes, comme un swell (ou « houle », ndb) d’hiver, drapeau rouge, 100 de coefficient de marée. L’eau tapait sur les rochers à marée basse. Une dame vient me voir et me dit : « Pourquoi vous mettez le drapeau rouge, pour les méduses ? ». Juste hallucinant. »
8. Les sauveteurs font beaucoup de pédagogie
Ils font de la surveillance, mais pas que ! Entre deux urgences pour ouverture du crâne à cause d’une planche de surf, ils expliquent et répondent aux petites plaintes et incompréhensions des vacanciers. Par exemple, « la zone de bain est trop petite, on se marche dessus, vous ne pouvez pas l’espacer ? ». Hum, non, car il y a 2 mètres de vagues, trop de courant à gauche et à droite. On y a pensé, mais c’est compliqué. « C’est normal de poser des questions, mais c’est parfois difficile à expliquer que tu fais de ton mieux pour leur permettre de se baigner en sécurité. Les gens veulent se baigner où ils veulent. Sauf que tous ne savent pas nager. Nous, on sait bien que 8 personnes sur 10 ne vont pas se noyer, sinon on ne serait pas là. Mais un gamin un peu enhardi ou un ancien qui fait un malaise, là, les choses peuvent s’envenimer très rapidement, » explique Patrick.
9. Les sauveteurs sont rémunérés par la commune
Autrement dit, par les impôts locaux ! Ça, c’est pour ceux qui disent que les impôts ne servent à rien. Ce sont donc des employés municipaux. Leurs salaires varient donc selon les communes (il existe donc des disparités importantes). Certains débutent avec un peu plus du SMIC (puisqu’ils travaillent à 37H30 la première année), puis passent en confirmé, en chef adjoint puis chef de poste…
10. Le sauveteur façon Baywatch est un mythe
Baywatch, vous savez ? Là où ils mettent les bouts, où les sauveteurs sont aussi détectives, chassent des bandits, font un massage cardiaque presque chaque jour, portent secours aux personnes qui ressortent toujours la tête au moment où ils viennent les sauver, courent au ralenti et sortent beaucoup avec des filles aussi bronzées qu’eux… « Désolé de vous décevoir, mais je n’ai pas vu ça sur la Côte des Basques, prévient Patrick. J’ai plutôt des jeunes gens qui ont la vocation d’aider et de protéger les autres. Cela dit, cette caricature est assez présente lorsqu’on se moque des sauveteurs avec leurs maillots rouges. Il n’y en a pas beaucoup qui viennent au mirador, ou alors on n’est pas assez beaux gosses ! Enfin, peut-être que sur d’autres plages, c’est une autre histoire… 😉 .»
Quelques conseils de baignade, à bon entendeur :
– regarder la marée la veille, par exemple sur ce site, pour savoir quand elle monte et descend, et adapter les horaires de baignade pour certains spots ;
– se mettre toujours entre les drapeaux si la plage est surveillée et se replacer régulièrement si les courants sont forts ;
– en présence d’une digue (comme les plages d’Anglet), ne pas se baigner directement contre la digue car c’est l’endroit où le « jus se forme » et que les courants vous emmènent loin ;
– l’endroit le plus safe n’est pas forcément le moins agité. Au contraire, c’est peut-être là où se forme le courant, sans compter qu’une vague peut vous ramener vers la plage, pas le courant !
– Si vous êtes pris dans un courant, nager plutôt sur les côtés pour se dégager de l’onde, jamais à contre-courant ! ↓↓↓