Ni trop ni trop peu, mettez plus de Lagom dans votre vie !

Un petit coeur pour plus de Lagom dans votre vie, c'est un début !

Modestie, mesure, équilibre, satiété… Le Lagom, art de vivre à la suédoise, serait-il le remède à une vie dépourvue de sens, au stress, au consumérisme effréné, à l’hédonisme sans entraves ? Explications.  

La recherche de l’équilibre semble être un point névralgique de nos vies pressées, stressées, empruntées, instagrammées… Chaque individu, en fonction de ses traditions culturelles, éducatives ou identitaires, essaie d’être « balanced », comme disent les américains. Equilibré, en un mot. Les italiens ont leur Dolce Vita et leur farniente, les Danois, leur hygge. Les suédois, en plus des harengs et de Carolina Klüft (bonjour toi…), ont leur Lagom (prononcez Laaa-gom), une philosophie qui repose sur la modération, la conscience des choix, le souci d’autrui, et qui refuse donc l’excès, la conso-réflexe et l’ostentatoire. Pour en savoir plus sur ce bonheur du « juste bien », j’ai interrogé Anne Thoumieux, qui publie le 7 septembre « Le livre du Lagom », aux éditions First. Partie à la découverte des grands blonds (#clichés), elle a glané quelques précieux enseignements applicables en France, ce pays de Cocagne.

Charly : Comment définirais-tu cette philosophie du Lagom ?Elle est pas mimi Noushka Thoumieux ?

Anne : Cela veut dire « ni trop, ni trop peu ». Ce qui est juste, en quantité mais aussi éthiquement. Est-ce que ça vient de loin ? Oui et non, mais en tous cas les racines de ce mode de pensée remontent. A l’origine, la légende raconte qu’au temps des vikings, ceux-ci faisaient tourner autour de la table une chope de bière (ou disons, une corne d’hydromel) qui contenait juste la quantité suffisante pour que chacun puisse en avoir un peu. De l’expression « laget om » qui veut en fait dire « le tour du groupe », est né le mot lagom tel qu’il est utilisé aujourd’hui. On voit ici combien le lagom repose sur la notion de communauté : penser aux autres soutient presque tous les principes du lagom. Faire attention à l’environnement (parce que des gens passent après nous), être dans le compromis (pour éviter le conflit), cultiver l’art d’être moyen (pour ne pas écraser les autres en ayant par exemple la plus grosse maison etc).

Est-ce la culture de la norme ou sa dictature ? 

C’est une culture, complètement ! Les Suédois ne s’en rendent même pas compte, ils le font naturellement. On peut dire qu’ils sont tombés dedans quand ils étaient petits. Au fil des interviews j’ai compris que certains Suédois se sentent parfois un peu oppressés par ce culte de la discrétion, ce besoin de se fondre dans la masse, mais l’idée du livre est d’extraire toutes les bonnes idées dont on peut s’inspirer, et il y en a beaucoup. C’est plutôt la culture de la normalité que de la norme dans son sens rébarbatif.

En voulant incarner un « président normal », François Hollande a-t-il fait du Lagom sans le savoir ?

Petit farceur, va… François Hollande aurait sans doute bien voulu mais là où il s’est « planté », c’est qu’on ne peut pas être « normal » car la fonction présidentielle exclut de fait toute normalité. En revanche, on peut éviter de se prendre pour une rock star ! Les politiques français devraient en effet s’inspirer du mode de vie suédois et des habitudes du gouvernement suédois, aussi bien que de la famille royale de Suède qui cultive la proximité et les loisirs simples.

Côté sport, le lagom prend le contre-pied des formats à la mode, courts et intenses. Le Lagom, c’est plutôt l’effort modéré. Pourquoi ? 

L’idée est de faire « juste ce qu’il faut ». Ni trop (trop intense, trop dur, trop long, trop souvent), ni trop peu. La gym suédoise en est un parfait exemple. Le sport lagom c’est aussi faire ce qui adapté à chacun et mettre au centre de la pratique le rapport au corps et le lien corps et esprit. Naturellement on se dirige plus vers le yoga que vers le gritt 😉

C’est quoi la « nutri Lagom » ?  Les suédois seraient donc moins touchés par les maladies de civilisation (diabète, obésité, cancer) que nous ? 

D’une manière générale les nordiques sont en meilleure forme que nous avec moins d’obésité précisément parce que la culture du « ni trop ni trop peu » évite les excès. Mais les Suédois ne sont pas parfaits ! La régulation de l’alcool qui n’est vendu que dans des magasins d’état fermés le soir et le week-end a conduit à faire des stocks, en générant des effets pervers comme les beuveries notoires en Suède. Mais disons que d’une manière générale, les habitudes alimentaires sont plus saines car le Suède fut historiquement un pays froid aux hivers rudes, coupés du monde, où l’on se nourrissait d’aliments basiques et de conserves, de préparations marinées. Et aussi le fait de cuisiner ensemble, c’est une vraie tradition familiale de passer du temps dans la cuisine ensemble !

Toujours concernant l’alimentation, n’est-ce pas tout simplement un certain retour au bon sens ? 

Oui et non. Oui parce que l’idée est de manger simple, sain et d’éviter les plats industriels, mais non parce que le lagom met à l’honneur les habitudes purement suédoises qui n’ont rien à voir avec le bon sens ! Par exemple, l’emblématique fika, c’est une pause café avec des gâteaux ou brioches que l’on prend le matin avec ses collègues ou à n’importe quel moment de la journée quand on se retrouve. On parle aussi des plats traditionnels, de la fête de l’écrevisse en passant par le hareng, au « Kalles Kaviar », une préparation à base d’œufs de poissons présentée en tube ! En revanche, on est à fond dans le mouvement slow food !

Comment mettre concrètement plus de « lagom » dans sa vie ? 

Pour être lagom sans avoir une liste de choses à faire ou à ne pas faire c’est très simple : il suffit d’avoir en tête dans chacun de nos choix l’idée de communauté. Si l’on pense aux autres, on va naturellement appliquer le lagom : faire attention à l’environnement, choisir des producteurs éthiques, bannir les enseignes aux pratiques douteuses, qui exploitent l’homme ou la nature, éviter le conflit au profit d’une communication franche mais policée, éviter de vouloir afficher son argent (ca peut mettre les autres mal à l’aise) etc… C’est aussi simple que ca, le mot clé c’est « conscience ».

Penses-tu que les français, latins dans l’âme, aimant la propriété plus que l’usage, habitués à ne pas faire le lien entre corps et esprit, vilipendant l’argent mais en le montrant s’ils en ont, soient réceptifs à cette philo ? 

Oui je crois, la preuve ! Si ces tendances sont dans l’air du temps et inspirent autant de gens c’est parce que nous cherchons tous à (re)donner du sens. A nos vies, à nos choix… Les plus éduqués d’entre nous ont aujourd’hui la chance de savoir que les industriels ne sont pas des anges et que la consommation est la seule lutte possible. Consommer lagom, c’est comme voter ou faire la grève, c’est faire entendre nos voix et devenir consommacteurs.

Quel serait leur meilleur argument pour ne pas s’y mettre?

On peut ne « pas se mettre » a certaines facettes parce que cela demande trop de changement, comme l’aspect déco qui demande à nettement alléger son intérieur et sa penderie*. Mais globalement, je ne vois pas de raison de « ne pas s »y mettre » à partir du moment où l’on a compris que « lagom » ca veut dire « juste » en terme de quantité, mais aussi de ce qui est juste éthiquement. Tout le monde devrait essayer de faire « bien », non ?

Le livre du Lagom, le commencement d'une vie plus modérée ?Envie d’en savoir plus sur le slowfood, le style normcore ou le fond vägg ? Filez vous procurer ici l’ouvrage d’Anne Thoumieux.

Mon avis ? Perso, je suis en plein dedans, donc compliqué d’être assertif et définitif. Ok, je zappe certains passages (#beauté, j’écris ton nom !), les chapitres sur la consommation raisonnée, les loisirs, la gastronomie, le bonheur au travail et les choix de société me concernent davantage. Bref, tout ce qui peut me reconnecter à moi-même. Anne est une fine plume, dotée d’une curiosité naturelle, de beaucoup d’humour et d’auto-dérision. Un livre agréable à lire, aux couleurs douces et à la mise en page soignée, modérée, très… lagom !

* sur ce point, je me permets de vous renvoyer à Minimalism, un documentaire sur Netflix, qui vous met une claque !

Sur le même t’aime : Vivre healthy n’est pas une obsession ! 

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